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#1 Fayad/Maamma : une formation à 2 visages
Qu’attendre de Khalil Fayad et Othmane Maamma, les deux jeunes Franco-Marocains formés à Montpellier et qui aspirent à plus de temps de jeu cette saison ?
Ils ont 13 mois d’écart. L’un vient de fêter ses 20 ans en juin, l’autre va sur ses 19 en octobre. Tous deux franco-marocains. Khalil Fayad, l’aîné, a fait ses classes en équipe de France chez les jeunes avant de choisir les Lions de l’Atlas, pour se donner une chance au niveau international. Si l’horizon en Bleu pourrait paraître moins bouché pour Othmane Maamma, au vu du talent affiché, on peut penser que l’issue sera la même pour le cadet des deux purs produits de Grammont. Fayad, né à Montpellier, est déjà bien installé avec bientôt 50 matches sous le maillot Orange et Bleu. Gardois d’origine, puisque personne n’est parfait, Maamma a crevé l’écran lors d’une entrée fracassante contre Monaco (0-2) avant de confirmer par un but contre Lens (0-2). C’est la beauté du football moderne : 88 minutes de jeu, un ballon sous la barre et 4 grands ponts sur Salisu et tous les supporters vous réclament déjà titulaire en Ligue 1.
« Cela risque de devenir toujours plus compliqué de rester mesuré en ce qui concerne Othmane Maamma ». C’est par ces mots que Pierrick a débuté son billet d’humeur du 23 juillet. J’ai beaucoup aimé cette phrase d’accroche. Elle résume bien la situation de la nouvelle « pépite » pailladine. Comme pour d’autres avant lui, les supporters fondent beaucoup d’espoirs sur Othmane. Les formateurs poussent son éclosion, pour valoriser leur travail. Les agents ne font pas de cadeau au président Laurent Nicollin. La signature de son premier contrat pro a été longue et il a fallu batailler. Mais ce n’est pas le monde des Bisounours et le « boss » sait que le petit a une forte valeur marchande, une denrée rare par les temps qui courent. Une autre facette du football moderne : prenons Elye Wahi, vendu 35 millions à Lens. Est-il normal qu’un « gamin » de 18 ans représente à lui seule une valeur quasiment équivalente au budget de tout un club (52 millions pour le MHSC) ? Cette bulle spéculative est folle. Comment gérer un jeune qui vaut plus que toute l’institution ?
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Avec Khalil Fayad, les négociations sont souvent très simples. Je n’ai que de bons échos. Hormis quelques pannes d’oreiller matinales, c’est un 20/20. Tout le monde l’adore au club. Calme, à l’écoute, poli, il a par exemple accepté sans broncher d’évoluer au poste d’ailier gauche du 4231 de MDZ lorsque le coach lui a demandé. D’autres jeunes se montrent souvent réticents à « dépanner » à un poste inhabituel, parce qu’ils savent que ça peut être dangereux en début de carrière : perte de confiance, mauvaises notes dans les journaux, mépris des supporters, déclassement dans le groupe. Fayad a dit « oui » tout de suite. C’est un « Benjamin Stambouli ». La bonne poire, toujours prompt à guider ses copains du centre qui montent à l’étage supérieur. Il a d’ailleurs rapidement murmuré à… Maamma : « Fais attention ! Ici, tu n’es plus chez les U19 ». Othmane, lui est plus un « Younès Belhanda ». Parfois caractériel mais donc beaucoup de caractère, ce qui est un plus au niveau professionnel. Souvenez-vous la prestation de « Youn’ » en arrière-droit contre Arles-Avignon ! René Girard a tenté le coup une fois, pas deux…
C’est une question de personnalité, de poste, de contexte. Maamma a besoin de ce feu intérieur pour briller sur l’aile droite. L’enflammade autour de lui l’incite naturellement à tenter des choses. À l’image de ce débordement à l’entraînement, récemment, conclu par un but alors que Téji Savanier était mieux placé en retrait.
« Ce n’était pas le jeu, tu aurais dû me la donner ».
« Mais j’ai marqué ! »
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En lisant ces lignes, beaucoup de supporters penseront que Maamma a déjà « le boulard ». Mais ce sont souvent les mêmes qui postent des messages pour réclamer sa titularisation immédiate en Ligue 1. Je vois dans ce dialogue avec TJ l’envie de se montrer, à l’image de Karim Benzema qui était arrivé dans le vestiaire de Lyon en disant aux attaquants (Govou, Carew, Malouda) : « Je vous respecte mais je suis là pour piquer votre place ». Après tout, Michel Mézy avait constaté chez la génération Ammour / Adouyev un manque de caractère aux entraînements. Je trouve positif que Maamma veuille « marquer son territoire ». Mais derrière, il faut assumer. Les cadres peuvent te « tester » en te donnant un peu moins le ballon pendant quelques jours ou en appuyant un peu plus leurs passes pour voir ce que tu as dans le ventre. Maamma sera en concurrence avec Tamari, Nordin et Coulibaly cette saison. Avec 2 places pour 4 candidats, il aura du temps de jeu et des opportunités.
Du côté de ses formateurs, on prévient : « Othmane va devoir se diversifier. Il utilise souvent son dribble préférentiel qui a bien fonctionné face à Monaco. Mais on a vu que dès le match suivant à Lens, Franck Haise avait préparé son piston à la vidéo. Sur la première tentative, le Lensois a subtilisé le ballon. L’effet de surprise est passé ». Un autre technicien qui a eu le jeune prodige sous ses ordres détaille : « Souvent, les supporters ne se rendent pas compte de l’écart énorme qu’il y a entre la Nationale 3 et la Ligue 1. Un petit explose en réserve, fait 30 bonnes minutes en L1 et tout le monde ne parle plus que de lui. Mais faire 30 minutes en L1, c’est à la portée de tous les joueurs. Marquer un but, tout le monde peut le faire. Le plus dur, surtout à cet âge, c’est de durer, une fois que les adversaires ont appris à vous connaître. Je n’ai pas de doutes, ça va le faire. Comme Wahi, beaucoup de choses circulent mais c’est un très bon gamin qui a simplement envie de réussir ». Pour Michel Der Zakarian, pas question de donner les clés du camion à un jeune, aussi doué soit-il. Der Zak veut voir plus d’efforts défensifs et estime que Maamma n’est pas encore « fini » physiquement. Mais il constate les progrès et l’inclura au mérite dans la rotation. Laurent Nicollin a prévenu : « Que ça plaise ou non, on jouera avec des jeunes ! ». « S’ils sont aptes, oui. À eux de me montrer qu’ils ont les qualités pour bousculer la hiérarchie », assure le génie arménien.
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C’est ce qu’avait fait Fayad, laissé pour compte après deux entrées moyennes contre Le Havre puis Reims en début de saison dernière. Le message était vite passé pour Khalil, intelligent, qui s’était repris pour donner des raisons à son entraîneur de le faire jouer plus, dans une concurrence saine avec Ferri par exemple. Au total, il a obtenu 1022 minutes contre 705 en 2022/23 et en espère encore plus cette saison. Pour cela, Fayad doit s’étoffer physiquement. Annoncé à 61 kilos pour 1,72m sur le site officiel, le Lion de l’Atlas est trop freluquet pour enchaîner en Ligue 1, un championnat athlétique où les coups pleuvent. Il n’est pas rare de le voir rester au sol assez longtemps après un duel, alors que ce n’est pas le genre de la maison de faire du cinéma. Je pense que son épanouissement personnel pourrait passer par un championnat d’évitement plutôt que d’affrontement, type la Liga ou la Bundesliga. En attendant, Khalil a connu 4/5 blessures légères la saison dernière et a déjà souffert après la rencontre amicale face à Gérone (3-3). Et ce malgré un superbe centre en retrait pour Arnaud Nordin qui laissait entrevoir sa justesse technique et sa vision du jeu dans les 18 mètres adverses. Se muscler plus ne serait pas forcément la solution, car ça peut péter un niveau des ischios, claquage, élongation.
Comme pour Wahi, qui avait souvent des entraînements à la carte avec plus de récup’ que les cadres confirmés, MDZ est très sensible à la protection de ses jeunes joueurs. Les supporters lui font parfois un faux procès, pensant qu’il ne leur fait pas suffisamment confiance, alors qu’il s’agit d’une gestion saine et responsable là où d’autres clubs « crament » les espoirs pour mieux les vendre.
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Les sous, c’est évidemment le nerf de la guerre. Maamma a signé 3 ans mais il est bien évident qu’il ne les fera pas à Montpellier. Le football a évolué depuis l’époque des Jérôme Bonnissel, Bruno Carotti, Franck Rizzetto et des frères Alicarte. Il faut presque « souhaiter » un départ rapide car ça voudra dire, à l’image de Wahi, qu’Othmane aura fait une superbe saison et renflouera des caisses qui crient famine depuis la calamiteuse gestion du covid et de Mediapro. Si Maamma est encore pailladin en 2027, ça voudra dire qu’il n’a pas tenu les promesses placées en lui. Qui peut dire où jouent Amir Adouyev et Yanis Ammour aujourd’hui ? Pas moi. Clément Vidal ? Jérémie Porsan-Clémenté ? Bryan Passi ? Kylian Kaïboué ? Bilal Boutobba ? Beaucoup de destins aussi prometteurs que contrariés. Et la liste pourrait être bien plus longue. Souvenez-vous d’Abdoulaye Cissé, qui avait battu à lui seul le grand OL à la Mosson (3-0) avant de disparaître de la circulation. Pour un Ibrahima Bakayoko, combien de déceptions ? Les supporters ont un grand rôle à jouer à ce sujet, en évitant de monter au pinacle un jeune qui flambe puis de le descendre en flammes à la première passe ratée. Pour moi, plus que Wahi, Mukiele, Mounié ou Mbenza, les exemples à suivre sont ceux de Joris Chotard et Ellyes Skhiri. Ces deux-là n’étaient peut-être pas annoncés au départ comme des futurs cadors et ils ne rapporteront sans doute pas 50 millions en transferts. Mais avec respectivement 162 et 133 matches de Ligue 1 sous le maillot du MHSC, ils ont largement rentabilisé leur formation et marqué l’histoire du club.
Faisons donc confiance à Michel Der Zakarian et son staff, à Téji et aux cadres comme Benjamin Lecomte pour gérer humainement et sportivement Fayad et Maamma, nos deux Lionceaux aux caractères certes différents mais à l’ambition commune : laisser la Paillade en Ligue 1.
Cédric Drouet
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